Jean Evesque, entretien après le Prix Coup de Coeur CRIABD 2019

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots?
Je suis né à Port de Bouc, petite ville ouvrière près de Marseille, dans une famille modeste et athée. Je suis marié depuis 19 ans et père de 3 enfants. et suis membre avec ma femme de la Communauté des Béatitudes. J’ai étudié à l’École des Beaux-Arts de Marseille, et récemment j’ai suivi une formation d’éducateur spécialisé.
Depuis 1996, j’interviens comme artiste et éducateur spécialisé auprès d’enfants, de jeunes et d’adultes en difficultés, dans différents lieux (immeubles dans des quartiers sensibles, écoles, foyers, ateliers d’insertion et prison), avec la certitude que «tous sont appelés à être poètes de leur propre existence».
Quand je suis sorti des Beaux-Arts, j’avais ce sentiment que l’art était vide de sens. C’est une phrase de Van Gogh dans une lettre à son frère qui m’a aidé à replacer l’art par rapport à l’humain. «Il n’y a rien de plus artistique que d’aimer les gens». Puis les années passées à accompagner des enfants dans des ateliers de peinture dans la rue à Marseille m’ont réconcilié avec moi-même. Le peintre André Gence, qui est aussi le prêtre qui m’avait baptisé à l’âge de 26 ans, n’avait de cesse de répéter qu’en matière de dessin les enfants sont nos maîtres. Je redécouvrais donc le sens de la gratuité et une forme de liberté créatrice. Une guérison!

Quel a été l’élément déclencheur de la réalisation de cette BD?
J’ai cherché seul dans mon atelier durant des années, j’ai dessiné dans des carnets, peint sur des toiles ou des bouts de papiers sans réel projet. Quand j’ai commencé à travailler au sein de la prison, j’ai été confronté à des vies d’hommes tellement incroyables, bouleversantes et parfois même terrifiantes, que j’ai éprouvé de manière très forte la nécessité d’exprimer par des histoires toutes les émotions que je ressentais. Cette expérience au sein de la prison a beaucoup influencé ce premier album. Je voulais que l’histoire raconte le cheminement d’un homme, son changement intérieur, son arrachement à ce qui l’aliène ou le persécute, et qu’elle montre ainsi que «la lumière luit dans les ténèbres». Dans le livre Du sang sur les mains de Maria Winowska, plusieurs histoires m’ont touché. Finalement je me suis rendu compte que le récit que j’avais choisi était celui qui résonnait le plus avec mon histoire personnelle.
Au-delà du témoignage, ce qui représentait à mes yeux un potentiel et un défi intéressant, c’était la structure du récit fait d’histoires imbriquées (comme un effet de «poupées russes»), avec plusieurs narrateurs et des flashbacks qui permettent de traverser différentes époques et ambiances.

D’un point de vue esthétique, quelle a été votre démarche?
Jusqu’à l’âge de 25 ans, je n’avais jamais vu d’icône. J’ai une affection particulière pour l’icône de la Trinité de Roublev, mais j’avoue être assez exigeant concernant les représentations religieuses. J’aime tout particulièrement l’art roman et la sobriété des monastères cisterciens. Nos églises et nos lieux de prières sont à mon goût souvent trop encombrés d’une multitude de statues, d’images du Christ ou des saints. Je me sens bien quand il n’y a presque rien. «Heureux ceux qui croient sans avoir vu». Ma BD reflète bien ce désir de dépouillement et de contemplation.
Le choix de la BD s’est imposé à moi. C’était une manière d’explorer un art « populaire » et accessible pour raconter une histoire. Je considère la BD comme n’importe quel art : une possibilité de rendre visible ou perceptible des choses invisibles, de dévoiler le mystère de l’être, de « toucher » Dieu… et de voir que le monde est autrement plus beau que ce que l’on en perçoit. «La lumière a lui dans les ténèbres»: c’est pourquoi, sur la couverture, il était très important de montrer cette lumière qui luit depuis l’objet emballé.
La colorisation est un travail à part entière. J’ai choisi d’utiliser peu de couleurs. Pour chaque lieu ou temps, j’ai choisi une couleur que j’ai déclinée en deux ou trois tons. Cela m’a permis de mettre en valeur le dessin, tout en évitant de le surcharger.

Le jury belge du CRIABD 2019 (Centre Religieux d’Information et d’Analyse de la Bande Dessinée) vient d’attribuer un «Prix Coup de Cœur» à votre premier album. Quelle est votre réaction?
Après le festival d’Angoulême, le très bel article paru dans le journal La Croix m’a vraiment fait plaisir. En le lisant, j’ai senti que le journaliste avait eu un vrai coup de cœur. Quand le CRIABD a décerné son « Prix Coup de Cœur » à l’album, je l’ai reçu comme une confirmation et un encouragement à continuer.
De façon générale, je ne m’attendais pas à un aussi bon accueil. Imaginez ma surprise lorsqu’un matin j’ai rencontré deux prêtres venant de lire la BD chacun de leur côté et qui m’ont avoué avoir été émus aux larmes. Pour moi, cela veut dire que quelque chose de plus grand transfigure ce simple album.

Entretien avec Jean Evesque, Edb Infos Avril 2019, propos recueillis par L. Lorusso.

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